Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Mutineries- La Courtine

Publié le par Jean-Paul Ancier

Beaucoup d’auteurs font la part belle à cet épisode peu glorieux, déniant l’engagement volontaire de russes « blancs » et valorisant l’action des « rouges », bolchéviques dirigés par ce grand humaniste que fut Lénine.

Ici on y voit l’importance des révolutionnaires, « avant-garde » du peuple, à qui on ne demande pas son avis.

Le Corps Expéditionnaire Russe en France subit le contre coup de la période prérévolutionnaire et de la révolution de « février ».

La propagande d’activistes est à l’œuvre. Les soldats russes auraient été vendus à la France en contrepartie d’armes et de munitions et serviraient de « chair à canon »,

Après l’abdication forcée du Tsar Nicolas II, le gouvernement du prince Lvov décide pourtant de poursuivre la guerre aux côtés des alliés. Les soldats russes prêtent serment au nouveau régime.

Il semble que le 15 avril 1917, les Soviets aient voté à main levée "par une courte majorité : pour participer à l'attaque". L'incident est clos mais on a frôlé la catastrophe.

La « boucherie » de l’offensive « Nivelle » va cristalliser toutes les lassitudes et toutes les révoltes. Des hommes envoyés à la mort inutilement.

Des soldats français se mutineront également et seront réprimés sévèrement.

Certains soldats russes évoquent déjà la possibilité du partage des terres en Russie et les paysans se retrouvant dans les rangs des brigades russes commencent à se demander s’ils n’allaient pas arriver trop tard pour ce partage.

Après le 20 avril 1917, les détachements de la 1ère Brigade et de la 3ème sont dirigés au camp de Neufchâteau (Vosges), rattachés au Groupe d’armées Est.

Les Mutineries- La Courtine
Les Mutineries- La Courtine

Le Général Palitzine demande alors à Pétrograd de lui envoyer pas moins de 300 officiers et 3000 soldats pour canaliser la situation.

Quelques agitateurs de Paris commencent à venir dans le camp et organisent des meeting. Plusieurs officiers sont rejetés et doivent se retirer dont les généraux Netchvolodov et Marouchevski.

Les Russes se partagent alors en deux groupes ennemis:

- 6000 hommes prêt à Soutenir Kérenski, chef du gouvernement au pouvoir et à continuer la guerre contre l’Allemagne,

- 10 000 hommes organisant des meetings, des Soviets et élisant des délégués comme Baltaïsse, soldat letton qui devient le chef du comité du 1er régiment.

Les chiffres rapportés par les auteurs modernes semblent énormes en raison des pertes subies, mais peu importe, le rapport de force est certainement vrai.

Les événements commencent lors du 1er mai 1917 avec une manifestation près des Châteaux de Bayé et de Montmort. Les soldats défilent en chantant la Marseillaise devant de nombreux étendards et drapeaux rouges portant des inscriptions révolutionnaires.

("Le Miroir" n°184- 3 juin 1917- page 16)

("Le Miroir" n°184- 3 juin 1917- page 16)

Le Général Palitzine écoeuré par les insultes et les actes des soldats insurgés démissionne et est remplacé par le Général Zankeievitch, nommé par le gouvernement Kérenski.

Pour éviter une propagation, le Haut Commandement Français doit retirer les troupes russes à l’arrière du front.

Sur avis du Général Ferdinand Foch, chef d’état-major de l’armée, le ministre de la guerre, Paul Painlevé, adresse le 1er juin 1917, l’ordre suivant au général Louis Comby, commandant la 12ème Région militaire de Limoges :

« Par ordre du ministère de la guerre, le camp de la Courtine doit être évacué très rapidement, en moins de quinze jours, en vue de laisser la place libre pour des troupes étrangères. »

Le 1er juin, le général Edouard de Castelnau commandant le Groupe d’armées Est, les passe en revue avant leur départ pour le camp de la Courtine (département de la Creuse, Massif Central)

Entre le 11 juin et le 5 juillet 1917, les 2 Brigades arrivent. La 1ère est installée dans les pavillons disponibles alors que la 3ème est installée dans des tentes coniques.

Selon le général Lokhvitski, la 1ère Brigade semble être intoxiquée par les propos bolcheviques alors que la 3ème reste disciplinée et loyaliste.

("Le Miroir" n°190- 15 juillet- page 11)

("Le Miroir" n°190- 15 juillet- page 11)

Dès la première nuit, des incidents se produisent dans le bourg de la Courtine.

(carte postale)

(carte postale)

Les Mutineries- La Courtine

Certains loyalistes préfèrent partir du camp en direction de Felletin (distant d’une vingtaine de kilomètres) avec le Général Lokhvitski.

Les hommes de la 3ème Brigade stationnés à Felletin/Aubusson sont bientôt envoyés en Gironde au camp du Courneau, situé entre Cazaux et la Teste de Buch, ouvert en 1916 pour héberger les unités françaises d’Afrique.

Malgré les demandes des « mutins » de rentrer en Russie, leur retour est refusé de peur de voir les soldats comparer les conditions de l’armée russe dans leur pays.

Les rebelles de la 1ère Brigade ont élu Baltaïsse comme président de soviet, qui exige en effet leur retour en Russie. Jugé trop conciliant, il est remplacé par un Ukrainien francophone nommé Afanasie Globa. Stavikov, délégué du gouvernement Kerenski, venu parlementer, est malmené

(Différentes images de manifestations et de confrontations)(Différentes images de manifestations et de confrontations)
(Différentes images de manifestations et de confrontations)(Différentes images de manifestations et de confrontations)

(Différentes images de manifestations et de confrontations)

Le 30 juillet 1917, l’état-major russe donne l’ordre au général Zankeievitch de condamner immédiatement à la peine capitale les actes de désobéissance et d’organiser des « tribunaux révolutionnaires », la sentence devant être exécutée sans délai.

C’est à la 3ème brigade que la mission est confiée. Zankeievitch pense alors que :

« si les mutins refusent de se rendre, on essaiera de les prendre par la famine En supprimant les ravitaillements. Enfin si cela est nécessaire, on les encerclera, à l’aide de la 3ème brigade et on fera usage des armes… n’ayant pas d’artillerie à sa disposition demandera au commandement de la 12 ème Région de lui prêter des canons et des artilleurs pour servir les pièces ».

C’est ainsi que le siège de la Courtine se prépare dans la nuit du 2 au 3 août.

Le Ministre de la guerre donne des instructions le 23 août, pour un affichage immédiat dans le camp d’un télégramme du Général Kornilov prescrivant de rétablir l’ordre, même par la force armée et d’instituer des conseils de guerre. La population est alors évacuée.

La sommation rappelle qu’à partir de 10H du matin le 16 septembre 1917, l’artillerie ouvrira le feu. Dès le 15, le ravitaillement est arrêté.

il s'agit d'une brigade d'artillerie russe, forte d'environ 1 500 hommes destinée à l'armée d'Orient sous le commandement du général Belaiev, et composée d'éléments fidèles de passage en France et de 2 000 hommes sélectionnés au sein de la 3éme Brigade.

Le canon se tait pendant 4 heures puis recommence. Il faut se rendre ou mourir. A la stupéfaction des mutins succède la peur puis la résignation. Pendant trois jours et trois nuits, le canon tire sur le camp. Le 17, les rebelles, harangués par le commissaire politique Rapp, représentant le gouvernement Kérensky, lâchent les chevaux, signe d’un début de reddition.

Des soumissions sont enregistrées tout au long de la journée: environ 7500. Le 19 septembre, à 10 h, les irréductibles se rendent après des combats acharnés entre russes rebelles et russes loyalistes.

Les chiffres officiels évoquent 11 morts. On est sûrement loin de la vérité.

C'est quand la 3ème brigade russe se trouvait au camp de Couneau qu'éclata la Révolution d'Octobre. Des affrontements opposèrent dans le camp même, "blancs" et "rouges.

L’Autorité russe classe en 3 catégories l’ensemble des mutins:

- Les plus coupables au nombre de 81 (dont Globa) sont conduits, le 21 septembre à Bordeaux pour être déférés aux juridictions militaires russes.

- Ceux ayant une culpabilité moindre sont au nombre de 549: 300 d’entre eux sont envoyés au camp de Bourg-Lastic le 20 septembre et les 249 autres vont à l’île d’Aix en Charente Inférieure le 21 septembre.

- Les restants, environ 7500, sont réinstallés au camp de la Courtine.

Pour mémoire : le 29 octobre, les 300 Russes de Bourg-Lastic, installés précairement dans ce camp, retourne au camp de la Courtine. 60 d’entre eux, les plus compromis sont dirigés vers l’Île d’Aix.

(Arrestation de Globa)

(Arrestation de Globa)

En novembre 1917, le nouveau Président du Conseil, Georges Clemenceau propose aux Russes, 3 solutions:

- S’engager dans l’armée française pour la durée de la guerre sous le commandement d’officiers russes et drapeau français, choix de 51 officiers et 1625 sous-officiers et soldats (ils peuvent aussi rejoindre la Légion étrangère sous encadrement français).

- Être volontaires comme travailleurs militaires dans l’industrie ou l’agriculture répartis à travers la France.

- Partir pour 4800 d’entre eux vers l’Algérie et le Maroc pour travailler dans les mines et les chemins de fer. Tous seront rapatriés en 1919.

Plus de 11 000 Russes sont volontaires pour le travail. Là aussi, les chiffres divergent. Certains auteurs parlant de centaines seulement. Ces derniers travaillent très près du front à une trentaine de kilomètres. Le commandement français est forcé de constater qu’ils apportent une « aide appréciable ».

Suite à la Révolution d’Octobre, la Russie a quitté les rangs des Alliés. Le nom de « Russe » est devenu synonyme de « traître ».

Pour les loyalistes, fidèles au Tsar, cette situation est insupportable : des centaines de militaires russes, s’organisent et demandent au gouvernement français l’autorisation de regagner le front. L’autorisation de la création de la Légion Russe est accordée.

Une base militaire est également créée à Laval afin de concentrer tous les éléments russes en vue de leur incorporation dans les différentes unités.

Près de 400 hommes, équipés et armés par la France vont former une Légion russe, commandée par le Général Gothoua et affectée à la division marocaine du Général Daugan.

Le 23 décembre 1917, cette unité repart sur le front avec la division marocaine.

Commenter cet article
A
"Stavikov, délégué du gouvernement Kerenski, venu parlementer, il est malmené" Malmené?
Répondre